L’interaction de deux géants technologiques dans la danse tourbillonnante des technologies exponentielles
» L’évolution de l’attention de la croissance à la valeur et de nouveau à la croissance souligne les nouvelles opportunités offertes par les actions technologiques chinoises
» Malgré la montée des tensions géopolitiques et des fluctuations économiques, la Chine demeure une puissance incontournable dans le paysage mondial.
Dans un monde lointain, il y avait deux géants dénommés Unity et Chinos qui coexistaient. Unity, la vibrante gardienne de l’Occident, s’est jointe avec enthousiasme à la danse de l’innovation et a desservi un marché dynamique où des idées ont prospéré et des fortunes ont été constituées. Les investisseurs affluaient vers ses bazars animés, à la recherche de fortune au beau milieu de la toile palpitante de la créativité. Entre-temps, Chinos, la gardienne stoïque venue de l’Orient, a caressé la croissance avec précision et harmonie. Malgré l’ampleur de ses structures et la robustesse de ses fondations, le marché est resté calme, épargné par l’agitation fervente qui caractérisait la zone d’Unity. Au fil du temps, Unity s’est convertie en un phare de prospérité, un lieu où les risques étaient récompensés et où des flux de richesse coulaient sans relâche. Chinos, d’autre part, abritait un jardin au potentiel inexploité où des graines d’innovation veillaient, en attendant le bon moment pour fleurir. Le parcours d’Unity et de Chinos a formé une étude de contrastes : une illustration vivante de chemins divergents dans le paysage technologique. Le monde observait, dans l’espoir d’un avenir où les deux entreprises pourraient prospérer, unies dans une symphonie de progrès sous le ciel infini des possibilités technologiques.
La relation complexe entre les États-Unis et la Chine ne peut être captée dans un récit. La réalité est, en effet, plus nuancée et plus complexe. Au début de ce siècle, une sorte de symbiose s’est développée, alimentée par le progrès technologique et l’innovation, qui semblait rapprocher les deux superpuissances. Cela explique notamment la croissance constante des actions techno- logiques américaines et chinoises, jusqu’à il y a quelques années. La Chine a bénéficié, en outre, non seulement de l’émergence de différentes technologies exponentielles, mais aussi d’un essor économique généralisé. Un double turbo, autrement dit. Entre 2013 et 2018, les valeurs chinoises d’Internet ont souvent affiché de meilleures performances que, par exemple, le Nasdaq 100 américain. Toutefois, à partir de la mi-2018 et jusqu’au début de la pandémie de Covid, nous avons constaté que les entreprises technologiques chinoises obtenaient des résultats nettement inférieurs. Ce déclin a coïncidé avec la guerre commerciale menée par l’administration Trump contre la Chine, durant laquelle des droits de douane ont été appliqués à divers produits chinois et plusieurs stratégies économiques ont été adoptées afin de remédier aux déséquilibres commerciaux entre les deux pays.
Cependant, lorsque la pandémie mondiale a éclaté, le secteur technologique chinois a su profiter d’une reprise économique accélérée, stimulée par l’investissement public et l’accent mis sur la consommation intérieure. Sur une période de près de 12 mois, la valeur des actions technologiques chinoises a grimpé de plus de 150 %. À partir de février 2021, la situation a pris une tournure radicale : les actions se sont effondrées lorsque le gouvernement chinois a adopté des mesures strictes à l’encontre des géants de la technologie comme Alibaba, en imposant de lourdes amendes, en bloquant les introductions en bourse (comme cela a été le cas pour Ant Group et ByteDance) et en introduisant de nouvelles réglementations pour les prêts et les assurances en ligne afin de limiter leur pouvoir. En outre, le Sénat américain a adopté au cours de l’été 2021 la loi américaine sur l’innovation et la concurrence (Innovation and Competition Act), qui a considérablement renforcé les restrictions sur les exportations de technologies vers la Chine, une tendance qui n’a fait que s’intensifier depuis lors. Les récents conflits en Ukraine et les tensions croissantes autour de Taïwan ont contribué à une nouvelle dévaluation des actions technologiques chinoises, d’autant plus que la croissance économique de la Chine est visiblement en déclin.
Cette succession d’évolutions à la baisse a eu un impact très négatif sur la valorisation des actions technologiques chinoises, creusant considérablement l’écart avec la valorisation des actions technologiques américaines. Alors que les investisseurs misaient auparavant sur la croissance des bénéfices des actions technologiques chinoises, ils scrutent maintenant le marché à la recherche de bonnes affaires. Cette transition d’une approche axée sur la croissance à une approche axée sur la valeur reflète le revirement radical des perspectives du secteur technologique chinois. Mais il est hors de question de baisser les bras. Comme pour leurs homologues occidentaux, on s’attend à une nouvelle accélération de la croissance des bénéfices des valeurs technologiques chinoises. La numérisation accélérée, qui a généré une demande accélérée pendant les années Covid, suivie d’un déclin, semble avoir été progressivement assimilée. De nombreux segments du marché (smartphones, PC et ordinateurs portables, puces mémoire) ont achevé leur déstockage au cours de ces dernières semaines, ce qui signifie qu’ils se trouvent désormais dans une position plus saine. La demande mondiale sur différents marchés finaux semble reprendre en 2024. De plus, nous constatons que, malgré les tentatives des États-Unis de ralentir le rythme des développements technologiques en Chine, la croissance des technologies exponentielles se poursuit également dans ce pays. Ces dernières années, la Chine a fait des progrès impressionnants en matière de technologie, passant du statut d’imitateur à celui d’innovateur. En investissant massivement dans l’intelligence artificielle, l’informatique quantique et la biotechnologie, elle occupe une place de pionnière dans les futures révolutions technologiques. Le district de Zhongguancun à Pékin, souvent appelé la « Silicon Valley chinoise », illustre cette évolution. En outre, le récent Plan quinquennal de la Chine met l’accent sur l’autosuffisance technologique et l’innovation, ce qui laisse présager un secteur technologique florissant pour les années à venir, malgré les défis géopolitiques.
L’accélération attendue de la croissance pourrait exacerber la sous-évaluation relative des valeurs technologiques chinoises par rapport à leurs homologues occidentales si cette croissance n’est pas reflétée dans la valorisation. À titre d’exemple, les « Sept Mercenaires » se négocient à 30,2 fois leurs bénéfices attendus pour 2024, tandis que les BAT (acronyme désignant les trois superpuissances de l’économie numérique chinoise : Baidu, Alibaba Group et Tencent) se négocient à seulement 12,1 fois leurs bénéfices prévus pour 2024. Il y a deux ans, ces actions se négociaient encore au même ratio de bénéfice que leurs homologues américaines. Compte tenu de leur valorisation relativement faible, il devient de plus en plus difficile pour les investisseurs occidentaux d’ignorer les valeurs technologiques chinoises. À moins d’une escalade militaire, la Chine est tout simplement trop vaste et trop solidement ancrée dans le système mondial pour être « mise à l’écart » sans plus. À titre d’exemple : l’économie russe est de plus petite envergure que celle de la province chinoise de Guangdong et le PIB de Shanghai est supérieur de 40 % à celui du Vietnam. En outre, le PIB de la Chine dépasse de près de six fois celui de l’Inde, le deuxième plus grand pays en développement après la Chine et la cinquième économie mondiale. En bref, au cours des 12 à 18 prochains mois, le slogan « Bonnes affaires chinoises pour les téméraires » pourrait bien gagner en popularité. Surtout si les entreprises technologiques chinoises expérimentent une poussée de croissance grâce à une autonomisation accélérée et arrivent ainsi à s’affranchir des tensions géopolitiques.