Le rôle crucial du consommateur moyen dans l’économie mondiale
Malgré l’inflation et les tensions géopolitiques, le consommateur américain reste un moteur de l’économie mondiale, tandis que l’économie européenne se redresse grâce à la récupération de la confiance des consommateurs et à la croissance dans le secteur des services.
Les dépenses par carte de crédit explosent aux États-Unis, alors que les quotas d’épargne diminuent et que le nombre de seconds emplois augmente.
Stabilité de la croissance économique américaine
Les dépenses des consommateurs représentaient environ 68 % du PIB américain au premier trimestre 2024. Dans la zone euro, ce pourcentage atteignait seulement 54 %. Étant donné que l’économie américaine constitue plus d’un quart de l’économie mondiale, il est évident que le consommateur américain joue un rôle crucial dans l’économie globale. Malgré une abondance de vents contraires, la croissance économique américaine se poursuit. Choc inflationniste, tensions géopolitiques, hausse des taux d’intérêt : aucun de ces facteurs n’a pu empêcher Joe Sixpack, le consommateur américain moyen, de continuer à dépenser. Le marché du travail tendu avec de fortes pressions salariales, l’épargne accumulée lors des confinements de l’ère COVID-19, ainsi que toutes sortes d’incitations fiscales du gouvernement Biden y sont sans aucun doute pour quelque chose.
Après un second semestre 2023 marqué par une croissance économique particulièrement forte sous l’impulsion de la consommation, la croissance américaine est retombée à un taux annualisé de 1,25 % au premier trimestre 2024. La croissance la plus faible depuis la contraction de courte durée du premier semestre 2022. La croissance de la consommation s’est donc légèrement ralentie au premier trimestre, ce qui a également été confirmé par la stagnation des ventes au détail en avril et en mai. Les investissements des entreprises ont fortement augmenté au premier trimestre, grâce au mouvement de « Reshoring » et aux centaines de milliards de soutien liés à la loi américaine sur la réduction de l’inflation (Inflation Reduction Act - IRA), qui incite les entreprises à réinvestir sur le sol américain. Cela est en passe de devenir l’authentique moteur de l’économie américaine ! La température de l’économie est parfaite : ni trop chaude, ni trop froide. Il s’agit d’une situation idéale pour la Banque centrale américaine.
L’économie européenne connaît une longue stagnation depuis le second semestre 2022. Ces derniers mois ont enfin apporté quelques nouvelles économiques positives en provenance de l’Europe. Après que la confiance des entrepreneurs européens, qui est déterminante pour la croissance économique, a enregistré une croissance très limitée en mars, la croissance du PIB réel s’est avérée être de 0,3 % au premier trimestre 2024. Il ne s’agit assurément pas d’un taux de croissance sus- ceptible de susciter un véritable enthousiasme, mais bel et bien d’une amélioration par rapport aux deux trimestres précédents durant lesquels l’économie a connu à chaque fois une contraction de 0,1 %. En mai, cet indicateur a atteint son niveau le plus élevé en 12 mois. L’activité économique augmente clairement dans le secteur des services, tandis que le déclin de l’industrie européenne ralentit. Cela contraste fortement avec la prospérité de l’industrie aux États-Unis.
Une croissance réelle des revenus des ménages soutient la consommation
Depuis 2022, la confiance des consommateurs est relativement plus négative que la consommation réelle, tant aux États-Unis qu’en Europe. La cause de ce pessimisme relatif réside dans le choc inflationniste de ces dernières années.
Les taux d’inflation aux États-Unis et en Europe progressent lentement mais sûrement vers l’objectif de 2 %. Les augmentations de prix dans le secteur des services, en particulier dans les secteurs à forte intensité de main-d’œuvre, constituent l’exception. Mais c’est le propre comportement de consommation des consommateurs qui en est la cause : ils dépensent généreusement lors de leurs sorties au restaurant, leurs voyages et leurs séjours à l’hôtel, dans le cadre des nombreux événements de cet été sportif et, bien sûr, pour les billets de la tournée européenne de Taylor Swift. Toutefois, la tendance désinflationniste générale persiste. Les taux d’inflation en Europe et aux États-Unis ont baissé pour atteindre respectivement 2,6 % et 3,3 %. La forte hausse du niveau général des prix est désormais intégrée dans l’économie et ne va probablement pas disparaître de sitôt.
Les consommateurs sont peut-être pessimistes, mais, entre-temps, la croissance des salaires dépasse l’inflation réelle. Au premier trimestre 2024, les salaires dans la zone euro avaient augmenté de 4,7 % par rapport à l’année précédente. Il s’agit de la plus forte augmentation depuis l’introduction de l’euro. En outre, en avril, le nombre de chômeurs dans la zone euro est passé pour la première fois sous la barre des 11 millions. Cela a entraîné une baisse du taux de chômage à 6,4 %, ce qui constitue également un record. Cependant, la Banque centrale européenne avait suffisamment confiance dans la poursuite de la tendance désinflationniste pour réduire les taux d’intérêt pour la première fois pendant ce cycle. La forte croissance des salaires et la baisse lente, mais systématique des taux d’intérêt à court terme vont renforcer l’optimisme des citoyens européens et les inciter à consommer. Cela pourrait stimuler la croissance économique européenne après une période difficile.
Au premier trimestre 2024, les revenus des ménages américains ont augmenté de 4,1 % par rapport à l’année précédente. Il s’agit ici aussi de bonnes nouvelles. Le président de la Réserve fédérale, Jerome Powell, a notamment souligné que le marché du travail évoluait dans la bonne direction, c’est-à-dire vers un « marché un peu moins tendu ». En particulier, le nombre d’emplois vacants a continué de diminuer, tandis que le taux de chômage a augmenté légèrement, mais pas de façon spectaculaire, pour atteindre 4,0 %. Ici aussi, ni trop chaud, ni trop froid.
Le taux de chômage a augmenté de 0,6 % depuis avril 2023. La Banque centrale américaine a reporté pour l’instant une baisse des taux d’intérêt compte tenu de la persistance de l’inflation des services. Toutefois, le récent refroidissement des données économiques et du marché du travail ouvre la voie vers une baisse des taux en automne. Encore une fois, cela correspond dans l’ensemble à une conjoncture ni trop chaude ni trop froide. Un marché du travail légèrement moins robuste, mais avec un taux de chômage encore très faible et une bonne croissance des salaires. Le bonheur pour tous !
Les dépenses par carte de crédit atteignent leur plafond maximale
Les familles européennes parviennent à épargner 14,6 % de leurs revenus disponibles. C’est environ 2 % de plus que lors de la période pré-COVID-19. Pendant la pandémie, ce taux atteignait environ 20 %. Les familles américaines, cependant, épargnent à peine 3,8 % de leurs revenus disponibles. Depuis 2022, le taux d’épargne des ménages américains atteint son niveau le plus bas en 15 ans.
L’assouplissement des mesures restrictives sur l’économie a clairement encouragé les Américains à augmenter leurs dépenses. Toutefois, par rapport à la période pré-pandémie, les dépenses des ménages aux États-Unis ont augmenté bien au-delà de leurs revenus disponibles. Cette différence doit avoir une explication. Il n’est pas surprenant que, durant la même période, l’encours de la dette des cartes de crédit ait grimpé en flèche. C’est non seulement l’encours des cartes de crédit qui a augmenté considérablement, mais aussi le nombre de défauts de paiement graves (plus de 90 jours) sur les cartes de crédit. Les défauts de paiement aug- mentent surtout parmi les jeunes générations, entre 18 et 40 ans. Le taux d’intérêt applicable à ces dettes dépasse désormais 20 %, ce qui complique énormément les remboursements.
En outre, les chiffres du marché du travail américain montrent que le nombre d’Américains ayant un deuxième emploi a augmenté de plus de 600 000 en un an. Plus de 8,35 millions d’Américains ont un ou plusieurs autres emplois en plus de leur travail à temps plein, ce qui représente 5,2 % de la population active. Ce chiffre est déjà élevé par rapport à la situation pré-COVID-19, mais la tendance reste à la hausse. Bien que la consommation ait un impact positif sur la croissance économique américaine et même sur l’économie mondiale, il semble que de nombreux Américains aient de plus en plus de mal à joindre les deux bouts. Le marché du travail joue un rôle crucial à cet égard. Une trop forte détérioration du marché du travail américain est inadmissible pour l’économie américaine, la Réserve fédérale, mais surtout pour le citoyen américain moyen lui-même. Entre-temps, il continue à dépenser. The show must go on!