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« Boucle d’or » est principalement un conte américain

« Boucle d’or » est principalement un conte américain
« Boucle d’or » est principalement un conte américain

Une économie « Boucles d’or » désigne une croissance stable, sans surchauffe ni récession, parfaitement équilibrée. Une réalité aux États-Unis, un vain espoir en Europe.

Joe Sixpack, le citoyen américain moyen, stimule 70 % de la croissance américaine grâce à la consommation, et ce malgré la pression de la dette. Les entreprises investissent massivement dans la capacité de production, soutenues par les lois de Biden sur les puces et sur la réduction de l’inflation, ce qui a abouti à une croissance du PIB d’un demi-point de pourcentage.

La compétitivité de l’Europe s’affaiblit. Draghi préconise une solution fondée sur un investissement de 800 milliards d’euros par an pour l’innovation et « plus d’Europe ». Les baisses des taux d’intérêt devraient soutenir l’économie.

Les élections américaines auront lieu le 5 novembre. Les projets politiques des candidats sont encore trop vagues : Trump veut réduire les impôts sur les sociétés, tandis que Harris vise à les augmenter. Les États-pivots ou « swing states » vont jouer un rôle crucial. Les marchés financiers connaissent souvent des fluctuations avant les élections, mais le calme revient rapidement après les résultats.

Une économie « Boucles d’or » : ni trop chaude ni trop froide – une croissance parfaite pour les États-Unis ?

Bien que de multiples facteurs se combinent souvent pour donner lieu à une situation donnée dans l’économie, de simples analogies peuvent parfois suffire. Ainsi, un conte peut transmettre une image très appropriée. Dans Boucle d’or et les Trois Ours, une petite fille aux boucles d’or entre dans la maison de trois ours et voit trois bols de gruau sur la table. Curieuse et affamée, la petite fille goûte le premier bol, mais le gruau est trop chaud. Le gruau dans le deuxième bol est glacé. Toutefois, celui du troisième bol a une température parfaite: ni trop chaud ni trop froid. Boucle d’or dévore le porridge avidement pour satisfaire sa faim.

Vous êtes probablement en train penser : « Comme ils sont bizarres ces économistes... qu’entendent-ils par-là ? » Pourtant, il ne faut pas chercher très loin le lien entre le conte et la signification économique de l’expression « Boucles d’or ». L’économie américaine a connu exactement cette situation au cours des derniers trimestres : la croissance n’était « ni trop chaude ni trop froide ». L’expression « une économie Boucles d’or » désigne une croissance économique stable, sans surchauffe ni récession. De plus, nous nous attendons à ce que ce scénario se poursuive au cours des prochains trimestres, alors que l’inflation américaine se stabilise et que la baisse des taux d’intérêt continue de soutenir l’économie.

Les investissements de Biden et le citoyen américain moyen : le double moteur de la croissance américaine

Dans l’édition précédente d’EconoViews, nous avons traité en détail le rôle crucial que joue « Joe Sixpack », le citoyen américain moyen, dans la croissance de l’économie mondiale. Près de 70 % de la croissance économique américaine – moteur de l’économie mondiale – provient des dépenses de consommation des ménages américains. Toutefois, les statistiques sur l’endettement par carte de crédit indiquent que ce sont surtout les familles à faibles revenus et les jeunes adultes âgés de 25 à 40 ans qui dépensent trop et qui se retrouvent en situation de défaut de paiement.

Après plusieurs mois décevants en termes de ventes au détail, les ventes se sont redressées au cours de l’été, ce qui n’était pas prévu. Les ménages américains semblent donc encore disposer d’une capacité de dépense suffisante et cela permettra d’amortir un ralentissement plus marqué de la croissance au cours des prochains trimestres.

Le « PIB de base » comprend la consommation des ménages et les investissements des entreprises, à l’exclusion des dépenses publiques et du commerce extérieur. Il s’agit d’un indicateur intéressant pour mesurer la vigueur de l’économie. Après le choc inflationniste du second semestre 2022, cet indicateur a continué à afficher une croissance saine trimestre après trimestre au cours des deux dernières années, sans signe de faiblesse. Cela indique clairement que la croissance économique américaine n’est pas trop chaude, mais certainement pas trop froide non plus, et qu’une récession, telle que la redoutent de nombreux économistes, ne transparaît absolument pas dans les chiffres.

Croissance constante de la demande intérieure réelle du secteur privé aux États-Unis depuis 2014 

Outre le consommateur Joe Sixpack, les entreprises ont également ouvert leur portefeuille pour investir aux États-Unis. Malgré la hausse des taux d’intérêt, on a assisté à un véritable boom des investissements aux États-Unis, principalement dans la constitution de capacités de production supplémentaires. La construction de nouvelles usines sur le sol américain a prospéré. Si seulement nous pouvions en dire autant dans notre pays !

La politique économique du président Joe Biden, avec des mesures d’incitation à l’investissement telles que les lois sur les puces et sur la réduction de l’inflation, porte clairement ses fruits. Une bonne partie de ces investissements est consacrée à la construction d’installations de production d’ordinateurs et de composants électroniques, notamment des installations pour la fabrication de puces informatiques. Au cours des 12 derniers mois, ces investissements ont déjà contribué à hauteur d’un demi-point de pourcentage à la croissance du PIB américain !

La compétitivité de l’Europe sous pression : la solution de Draghi qui vise « plus d’Europe » est-elle appropriée ?

Dans le même temps, le moteur économique du continent européen s’essouffle. Depuis 2022, la confiance des entreprises dans l’industrie européenne reste faible. L’économie en Europe stagne depuis lors. L’année dernière, la Commission européenne a chargé l’ancien président de la Banque centrale européenne, Mario Draghi, d’analyser la compétitivité de l’économie européenne. Selon le rapport détaillé de Mario Draghi, publié récemment, l’économie européenne aurait perdu une part considérable de sa compétitivité au cours des deux dernières décennies. Une constatation qui ne surprendra pas le lecteur attentif d’EconoViews.

Draghi s’est attaché à décrire de nombreux problèmes, mais il a également présenté quelques propositions remarquables. Par exemple, il incite l’Union européenne à investir chaque année 800 milliards d’euros dans l’innovation, soit environ 4,7 % du PIB européen, pour rattraper son retard. Il suggère de financer ces investissements, entre autres, par le biais d’émissions de dette communes au niveau européen. De plus, il plaide en faveur de la déréglementation et de l’autorisation de fusions plus importantes entre les entreprises (ce qui peut naturellement conduire au gigantisme). Bien que Draghi soulève à juste titre plusieurs points importants, il semble que le soutien des réformes si nécessaires soit assez limité. La question de savoir si la solution qu’il propose – plus d’Europe – est la bonne est très discutable.

Entre-temps, il manque un puissant catalyseur capable de revitaliser l’économie européenne. L’Europe ne devrait guère s’attendre au soutien de la Chine, où la confiance des consommateurs est, au minimum, aussi faible. Toutefois, le sentiment des consommateurs européens pourrait s’améliorer dans les mois à venir, grâce à la croissance des revenus des ménages qui est supérieure à l’inflation et aux perspectives de baisses progressives des taux d’intérêt.

L’ascension radicale est suivie d’une descente régulière

À l’instar de la Banque centrale européenne, qui a déjà réduit son taux directeur à deux reprises, la Réserve fédérale américaine s’est également engagée sur la voie de taux d’intérêt moins restrictifs. En effet, l’inflation américaine a atteint des niveaux plus stables, juste au-dessus de l’objectif d’inflation. Au cours des quatre derniers mois, les prix à la consommation américains ont à peine augmenté de 0,23 %. En outre, cet été, les gouverneurs des banques centrales ont de plus en plus souvent évoqué le double mandat de la FED : outre la réalisation d’un objectif d’inflation moyen de 2 %, l’accent doit aussi être mis sur un taux d’emploi maximal dans l’économie américaine. Cependant, ce second mandat suscite de plus en plus d’interrogations, sachant que le taux de chômage est passé de 3,4 % en avril 2023 à 4,2 % actuellement.

L’immigration est le principal moteur de cette augmentation, étant donné que les nouveaux arrivants sur le marché du travail des États-Unis ont des difficultés à trouver un emploi. L’origine de cette hausse ne tient donc pas à une augmentation significative des pertes d’emploi. Si tel était le cas, la Réserve fédérale devrait s’inquiéter davantage, car le chômage ralentirait la consommation et la croissance économique. Cependant, la nervosité sur les marchés financiers a soudainement augmenté pendant l’été, et la hausse du taux de chômage a souvent été citée comme une raison importante. En conséquence, les marchés ont commencé à anticiper de fortes baisses des taux d’intérêt à partir de septembre. Par exemple, on s’attendait à ce que le taux directeur américain tombe en-deçà de 4 % après la réunion de janvier 2025. C’est beaucoup trop optimiste. Le graphique par points ou « dot plot » des gouverneurs de la FED, publié en septembre et présentant leurs prévisions quant à l’évolution des taux d’intérêt, montre qu’ils sont moins susceptibles d’agir rapidement. Bien que le président Powell ait souligné que l’économie était encore en bonne santé, la série de baisses des taux d’intérêt a commencé par une réduction directe et substantielle de 50 points de base. Cette réduction des taux d’intérêt assouplira les conditions de crédit pour les entreprises et les ménages. De plus, la baisse des taux d’intérêt sur les comptes d’épargne à taux élevés stimulera encore la consommation. Cette situation s’inscrit parfaitement dans un scénario de Boucles d’or.

« We have concepts of a plan »

De nouvelles élections présidentielles auront lieu aux États-Unis au quatrième trimestre, le 5 novembre de cette année. Bien entendu, nous suivons de près les propositions des candidats et analysons l’impact potentiel des changements politiques sur l’économie et les marchés financiers. Tout comme l’ancien président et actuel candidat à la présidence Donald Trump a décrit sa modification de l’Obamacare dans les termes « We have concepts of a plan », les projets politiques des candidats à la présidence sont souvent peu concrets ou clairs.

Trump a bien indiqué sa volonté de réduire l’impôt sur les sociétés, mais cela serait compensé par une taxe de 10 % sur tous les produits d’importation et de 60 % sur tous les produits chinois. Ces tarifs douaniers affecteraient les consommateurs américains, puisqu’ils devraient payer des prix plus élevés. Pourtant, dans le même temps, le choc inflationniste est un thème majeur dans la campagne électorale.

À l’opposé, la candidate démocrate à la présidence, Kamala Harris, a proposé d’augmenter l’impôt sur les sociétés à 28 % et d’introduire des règles plus strictes pour la taxation des programmes de rachat d’actions (buy-backs). Ce faisant, elle annulerait partiellement la réduction appliquée par Trump au cours de son premier mandat (de 35 % à 21 %). La proposition de Harris pourrait freiner la croissance future des bénéfices des entreprises américaines. Cependant, l’objectif de cette augmentation fiscale n’est pas de réduire le déficit public ou de s’attaquer à l’énorme fardeau de la dette, mais de mieux protéger le pouvoir d’achat des ménages américains par le biais de diverses mesures.

En outre, la composition de la Chambre des représentants et du Sénat après les élections revêt une importance cruciale. En effet, un président qui ne dispose pas d’une majorité au sein de ces organes directeurs aura des difficultés à mettre en œuvre ses projets politiques. Le 5 novembre, ce sont les États-pivots ou « swing states » qui vont à nouveau déterminer qui obtiendra les clés de la Maison Blanche. Des États cruciaux comme la Géorgie (16 voix électorales) et la Pennsylvanie (20 voix électorales) ont été remportés par l’actuel président Biden en 2020, avec des marges minimales de 12 000 et 60 000 votes respectivement. Même si la dynamique semble jouer en faveur de Harris, les marges sont extrêmement réduites, ce qui laisse présager une course passionnante. À mesure que les élections américaines se rapprochent, les marchés financiers affichent souvent des fluctuations plus importantes.

Jeroen Kerstens