Philippe Piessens est Senior Wealth Manager chez Econopolis Wealth Management. Philippe possède une vaste expérience dans le secteur financier, avec un accent sur les actions. Il débute sa carrière en 2001 chez Lehman Brothers à Londres, avant de rejoindre HSBC et Kepler Cheuvreux. Il est également actif dans l'art, en tant que collectionneur et consultant, et dans l'immobilier, à travers une holding familiale. Philippe est titulaire d'un BSc en relations internationales de la London School of Economics.
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L’Europe trace sa propre voie après les changements de cap des États-Unis
Les premières semaines de 2025 étaient encore une prolongation de l’année précédente, mais la tendance a rapidement changé. La conviction que Donald Trump, avec sa prédilection pour la déréglementation et les impôts faibles, allait être un facteur indéniablement positif pour les investissements à risque (en particulier les actions) a rapidement cédé la place à un scepticisme généralisé quant à l’orientation (géo-)politique et économique de la nouvelle administration américaine. Le changement de cap vis-à-vis de l’Ukraine a eu l’effet d’un choc systémique, avec des conséquences à la fois géopolitiques et économiques. L’introduction de droits de douane à l’importation, souvent communiqués de manière chaotique, a également suscité des incertitudes pour les entreprises et les investisseurs. Dans le même temps, Elon Musk passait à la tronçonneuse plusieurs ministères gouvernementaux. Résultat : les prévisions économiques pour les États-Unis, le moteur de croissance de l’économie mondiale, ont soudainement été revues à la baisse. En outre, le lancement du modèle chinois d’IA DeepSeek – un modèle de langage d’IA qui a atteint des performances similaires à celles des modèles américains avec une puissance de calcul relativement limitée (et donc des investissements en capital inférieurs) – a donné lieu à une nervosité supplémentaire dans l’ensemble de la chaîne de valeur américaine de l’IA.
Cette brusque détérioration du sentiment contraste fortement avec la situation en Europe et en Chine. L’agitation de Trump contre un allié traditionnel a finalement mobilisé le consensus de l’Europe dans des domaines tels que l’augmentation des dépenses de défense, la déréglementation et la réduction des barrières commerciales au sein de l’UE. Le mandat de Friedrich Merz en Allemagne, qui a immédiatement opté pour une relance budgétaire sans tenir compte du « Schuldenbremse » – le frein à l’endettement – (quoique avec certaines limites), a encore renforcé cette dynamique. Le sentiment s’est également fortement amélioré en Chine. Cela est dû essentiellement à l’attitude plus constructive de Xi Jinping en matière de réglementation et d’incitations fiscales concrètes visant à stimuler la consommation. De plus, le lancement de DeepSeek, suivi d’introductions similaires de modèles de langage d’IA par Alibaba, entre autres, a agi comme un catalyseur positif pour le sentiment dans le secteur technologique chinois.
Les changements susmentionnés ont provoqué d’importantes turbulences sur les marchés boursiers. Sur le plan géographique, nous avons observé une correction substantielle des actions américaines, alors que les actions européennes et chinoises ont connu un début d’année fulgurant. Il est clair que les flux de capitaux se sont éloignés des États-Unis pour privilégier les marchés locaux, et l’Europe en a bénéficié. Sur le plan sectoriel et thématique, ce sont surtout les actions technologiques américaines qui ont dû céder une partie de leurs bénéfices de 2024. Cela a été particulièrement vrai pour les « Sept Magnifiques » (qui ont perdu de leur éclat), pour la chaîne de valeur de l’IA (en particulier le secteur des semi-conducteurs) et pour certaines entreprises extrêmement appréciées du public telles que Palantir et Tesla. En Chine, en partie grâce au lancement de DeepSeek, c’est précisément l’inverse qui s’est produit, avec des hausses spectaculaires du cours des actions des grandes entreprises technologiques locales. En Europe, l’optimisme suscité par l’augmentation des dépenses en matière de défense et d’infrastructures et par les mesures d’incitation fiscale s’est traduit par de fortes hausses des entreprises de défense, des entreprises industrielles, des entreprises de construction et entreprises bancaires. Enfin, les secteurs traditionnellement défensifs tels que l’alimentation, les services d’utilité publique et les produits pharmaceutiques ont également obtenu de bons résultats.
Bien que la volatilité ait été moins prononcée sur les marchés obligataires, nous avons également observé des changements significatifs sur ces marchés. Aux États-Unis, les taux d’intérêt à dix ans ont chuté en raison des craintes de récession et de la baisse des taux d’inflation. En revanche, l’Europe a sorti son bazooka fiscal, en particulier en Allemagne, ce qui a entraîné une hausse des taux d’intérêt. Cela a aussi conduit à un léger affaiblissement du dollar américain, jusqu’à présent, par rapport à l’euro.
Comme l’a dit jadis l’ancien Premier ministre britannique Harold Wilson : « A week is a long time in politics. » Cela s’applique également aux marchés financiers. Les récentes turbulences soulignent à nouveau l’importance de la diversification tant géographique que thématique et offriront sans aucun doute des opportunités pour les investisseurs orientés vers le long terme.
« Sur le plan géographique, nous avons observé une correction substantielle des actions américaines, tandis que les actions européennes et chinoises ont connu un excellent début d’année. Il est clair que les flux de capitaux se sont déplacés des États-Unis vers les marchés locaux, ce dont l’Europe a su tirer profit. »